« Comment je suis devenu libre dans un monde qui ne l’est pas » Harry Browne

how-I-found-freedom-in-an-unfree-world-a-handbook-for-personal-libertyLe blog d’Olivier Roland « des livres pour changer de vie » rassemble des présentations d’ouvrages souvent très intéressants et dans la ligne de notre démarche Valeur(s). Toutefois, on y trouve de temps en temps des références bien dérangeantes : il présentait récemment « Comment je suis devenu libre dans un monde qui ne l’est pas » de Harry Browne., paru en 1973 (!) sous le titre « How I found freedom in an unfree world ». L’article est une chronique invitée écrite par Damien Casoni du blog Raccourci Minimaliste.

La thèse de l’auteur : l’égoïsme est le seul moteur pertinent pour l’homme, dont l’objectif est la liberté personnelle. Il doit se libérer de toutes les limites mentales que lui imposent la société, le gouvernement et sa propre vision erronée du monde.

Ce livre est avec « Atlas Shrugged » de Ayn Rand (commenté dans le débat sur l’altruisme avec Mathieu Ricard) à l’origine du mouvement libertarien toujours très puissant aux Etats-Unis : plusieurs présidents s’y réfèrent et jusqu’à Steve Jobs aurait découvert sa vocation en lisant Ayn Rand, dont le livre serait le plus lu aux USA après la Bible …

Vue l’émotion suscitée auprès de lecteurs européens, je n’ai pu m’empêcher d’apporter un -et même plusieurs- commentaires, auquel Damien Casoni a répondu avec franchise et ouverture. Certaines propositions me font vraiment peur … Mais d’autres me plaisent ! Il semble donc que nous puissions concilier  nos positions autour des points ci-dessous :

Des propositions me font peur

– « vous ne devez rien à vos parents, qui n’ont agi que par égoïsme »
– « Il serait plus simple pour tout le monde que l’enfant ait un éducateur principal référent » dans « l’éventualité d’une séparation »
– « se libérer du gouvernement » qui ne sait pas vous assurer la sécurité financière, ne respecte pas les lois, …
– « vous avez toujours la possibilité de chercher une société globalement plus en accord avec vos principes »

D’autres propositions me plaisent !

Et pourtant je partage complètement certaines propositions .
– Affichez donc ouvertement vos standards et qui vous êtes
– laissez les autres être libres
– établir ses valeurs et priorités
– se concentrer sur les moments et activités qui vous rendent heureux

Un point TRÈS positif à mes yeux : la prise de conscience que « Un individu consciemment égoïste est sensible aux besoins et désirs d’autrui. Il ne considère cependant pas ceux-ci comme des exigences, mais comme des opportunités de transactions potentielles pour rendre les deux parties plus heureuses » !

Bâtir une position constructive ?

Acceptons cette interdépendance, et la voie est libre ;-) vers la qualité des relations et les émotions positives de toutes les parties, qui se renforcent mutuellement ! Certains appellent cela l’altruisme … selon par qui on commence : moi ou les autres ?

Hormis la position vis-à-vis d’un gouvernement (dont je déplore par ailleurs l’inefficacité due à mon avis à une simple recherche de pouvoir – égoïsme ?) ou plutôt une administration dont j’ai besoin pour construire des routes (je n’ai pas plus confiance a priori dans les compagnies d’autoroutes ou d’autres individus) et déléguer d’autres besoins collectifs, nos positions sont probablement très proches. Je pense aussi que l’altruisme poussé exclusivement vers les autres est suicidaire : « charité bien ordonnée commence par soi-même » ! Mais n’y finit pas … Et le véritable altruisme est de chercher le bien de tous, soi-même y compris. Sinon çà n’a pas de sens. Même les religions du Livre partagent le commandement « Aime ton prochain comme toi-même » ?

Souligneons l’enjeu lié à l’interdépendance :  que l’on ait un a priori égoïste (commencer par moi-même) ou altruiste (commencer par les autres) ne change pas l’importance de la boucle retour. La vraie différence entre les deux boucles est que l’une est ‘vertueuse’ et parie sur le long terme du retour vers soi, et l’autre ‘minimaliste’ sécurise les besoins à court terme au risque de voir tarir la source de satisfaction future. La nuance est faible pour des hommes de bonne volonté !

Comme le résume Damien Casoni dans nos échanges : « L’altruiste réalisera l’importance d’un ego fluide et puissant pour aider véritablement autrui. Et l’égoïste comprendra la nécessité de s’ouvrir et de s’offrir pour grandir davantage. »

Petit clin d’oeil sur un sujet bien sérieux : le dessin suivant est extrait de l’ouvrage « Et la confiance, Bordel ? » très récemment rédigé par l’Institut Montaigne et Financi’Elles publié aux Editions Eyrolles et dont quelques extraits sont accessibles gratuitement

individualiste

 

De l’intérêt de la collaboration dans l’évolution

Je complète ce déjà très long article pour  souligner l’évidence de l’intérêt de la collaboration, de l’échange, du partage … dans l’évolution du monde : de nombreuses étapes me semblent correspondre à une collaboration et une organisation accrues, où des pertes de liberté sont consenties ET des propriétés nouvelles émergent à chaque niveau de mise en commun ! Il y a création de valeur(s), avec  des besoins mieux remplis, échangés contre des ressources ressenties comme moins utiles :

  • les molécules sont formées par le partage d’électrons entre des atomes qui les composent et acquièrent des propriétés dont ceux-ci ne disposent pas : par exemple l’eau a des propriétés fondamentales pour la vie, inaccessibles à l’hydrogène ou l’oxygène qui la composent
  • des molécules assemblées forment des matériaux minéraux et perdent leur ‘liberté’ mais gagnent des propriétés physiques
  • des molécules assemblées de façons spécifiques (acides aminés, ADN …) donnent lieu à des êtres vivants, qui savent -eux- se développer, se reproduire … c’est l’organisation des molécules qui différencie la matière vivante !
  • des cellules vivantes assemblées forment des être pluricellulaires, et réussissent mieux à survivre aux alés de l’environnement en se spécialisant et en partageant entre elles le résultat de leurs activités spécifiques
  • la spécialisation mène à des tissus qui forment des organes aux rôles spécifiques dans les êtres vivants plus évolués : le potentiel universel initial de chaque cellule-souche est abandonné pour devenir des cellules spécialisées qui ensemble partagent et accroissent leurs chances de survie (vous connaissez la parabole des organes qui croient chacun être supérieur aux autres, jusqu’à ce que le trou du cul fasse grève ?)
  • des êtres vivants vivent en ‘société’ où ils choisissent des rôles spécialisés et échangent avec d’autres pour de plus grandes chances de survie
  • la reproduction sexuée, où des individus se différentient pour procréer en échangeant leurs différences, assure plus de succès à la lignée que la reproduction asexuée
  • des symbioses se forment entre espèces, où chacune apporte à l’autre
  • des écosystèmes se forment, où les déchets des uns sont les ressources des autres et l’équilibre doit être soigneusement maintenu pour la survie de tous
  • des couples se forment et s’associent à long terme, en perdant chacun leur autonomie, pour mieux protéger leur patrimoine et leur progéniture
  • les humains (et d’autres animaux) forment des groupes sociaux (famille, clans, tribus, nations …) où le respect par chacun de règles choisies ensemble (droits et devoirs réciproques) font perdre de la ‘liberté’ en gagnant en sécurité et en synergie ; ils élisent des chefs et des gouvernements pour veiller aux responsabilités collectives
  • les humains forment des ‘sociétés’ (autre nom des entreprises) où ils mettent en commun leurs ressources (argent, temps, compétence, produits …) pour servir les besoins de ‘clients’ et en retirer plus (argent, statut, reconnaissance …) que ce qu’ils y ont mis …
  • etc.

Evidemment il existe des exemples de ‘retour à la liberté’ :

  • des êtres vivants vivent indépendamment, en prélevant librement des ressources rendues disponibles par d’autres individus : cela s’appelle le ‘parasitisme’ !
  • des cellules d’un être vivant peuvent revenir à leur ‘liberté’ originelle, redeviennent ‘toutes-puissantes’, puisent librement dans les ressources disponibles sans se préoccuper d’un soi-disant bien commun … Cela s’appelle un ‘cancer’ !

Ces éléments seront repris dans un prochain ouvrage présentant l’application du raisonnement Valeur(s) à différents thèmes, ici ‘la vie’.

 

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