« Les entreprises ont-elles besoin d’une «raison d’être» pour exister? »

Philippe Silberzahn, professeur d’entrepreneuriat, stratégie et innovation à EMLYON Business School pourfend le concept de ‘raison d’être’ de l’entreprise dans un article de FrenchWeb et prend le contre-pied de Simon Sinek « Commencer par pourquoi« .

Je suis tellement outré de cette position que je ne peux m’empêcher de présenter à chaud mon point de vue sur cet article, au risque de mal le faire, sous le coup de l’émotion.

« Les entreprises ont-elles besoin d’une «raison d’être» pour exister? » C’est moi ou la question est idiote : a-t-on besoin d’une raison d’être pour être ? Peut-on être sans raison ? C’est totalement déraisonnable …

Peut-être la question est-elle « les entreprises doivent-elles formuler une raison d’être pour exister ? » : j’espère que non, sinon la majorité n’existeraient pas. Certaines choisissent de le faire.

Ou « les entreprises doivent-elles avoir une ‘grande’ raison d’être ? » : évidemment que non, mais quelques individus ont l’ambition plus haute que d’autres. L’ébéniste qui va remettre en état la table du salon va ‘juste’ faire de la belle ouvrage, même pas vouloir rendre le monde plus beau. Et pourtant ?

Même un boulon de 12 a une raison d’être, sinon on le jette ! Sa raison d’être : un écrou de 12 quelque part qui l’attend, pour attacher 2 pièces dans une voiture, sans lesquels un accident peut finir en drame de la route…

L’auteur fait le procès de Simon Sinek : je le rejoins sur 1 point (un seul). « Why ? » (en français, Pourquoi ?) n’es PAS la meilleure question pour déterminer le ‘purpose’. Je préfère « What for ? » (en français, Pour Quoi ?). A pourquoi, on répond « parce que … » (comme le fait l’auteur) ce qui donne vie une raison d’être (causalité). A Pour Quoi ? on répond « pour … » : une finalité, un but. Evidemment, ça met 200 ans de cartésianisme par terre … L’EMLyon n’aurait pas encore compris le virage paradigmatique de la systémique et de la complexité ?

Du coup, toute entreprise (tout artefact) a forcément une cause (une raison, attention aux différentes acceptions du terme) : parce que quelqu’un l’a créée. Cela ne présente qu’une bien piètre motivation, non ? Mais pour celui qui l’a créée, elle a EVIDEMMENT une finalité, sinon, pourquoi il se serait fatigué ?! Par exemple « Juste l’envie de travailler ensemble à partir de ce qu’ils connaissaient » comme MM Hewlett et Packard. Si ce n’est pas une finalité, de quoi s’agit-il ? Pas assez ‘grand’ peut-être pour un éminent professeur, ni sentimental ni visionnaire, mais pourtant vital pour des milliards de gens ! Et cette finalité évolue, bien sûr : cela peut aller de ‘gagner plus de fric’ pour les actionnaires (pourquoi pas, si c’est conscient et assumé), à ‘assurer l’emploi d’une localité’, en passant par ‘créer plus de valeur pour chacune de ses parties prenantes’ (c’est possible ! toutes à la fois !)

Que la majorité des entreprises aient commencé sans idée très claire de ce qu’elles voulaient faire, convenons-en. Est-ce une raison pour refuser de les aider à en prendre conscience ? Demandez aux gens qui l’ont fait comment ils se sentent après, vous comprendrez. Une motivation ne peut venir que d’un but.

Depuis 20 ans que j’aide des équipes à générer des innovation de rupture, mieux satisfaire les utilisateurs, dépenser moins, maîtriser le s impact environnementaux et sociaux, inventer des business modèles, améliorer leur relations … à partir de la finalité, je suis aterré de cette lecture.

Même un (autre) ‘libertarien’ lecteur convaincu de Ayn Rand avait conclu dans un précédent débat  « L’altruiste réalisera l’importance d’un ego fluide et puissant pour aider véritablement autrui. Et l’égoïste comprendra la nécessité de s’ouvrir et de s’offrir pour grandir davantage. ». L’égoïste seul meurt vite. Même si l’altruiste qui s’oublie meurt aussi, d’épuisement. Personne ne peut vivre pour soi sans les autres ! Personne ne vit bien longtemps sans que chaque partie prenante soit satisfaite dans ses finalités !

Et l’auteur d’ajouter « Rappelons qu’aucun d’entre-nous n’a demandé à être conçu ni à naître » l’auteur est-il à ce point désespéré, en vouloir tant à ses parents, de ne pas avoir conscience d’être né de l’amour entre deux êtres ?! Ne pas avoir d’enfant pour ne pas savoir qu’il devient pour ses parents une part de leur raison d’être ?! Pour lui souhaiter de trouver dans leur vie une raison d’être ?!

On enseigne vraiment dans une grande école à notre époque que la seule raison d’être c’est SOI ??!! Monsieur le professeur d’entrepreneuriat, n’avez-vous pas dans votre métier un but clair et une raison d’être plus ambitieuse et noble que VOTRE intérêt ? Si mes enfants étaient à l’EM Lyon je les en sortirais immédiatement !

Entendez-vous ces jeunes qui ne recherchent que du SENS dans leur vie ? Entendez-vous ces cadres qui meurent du non-sens de leur job ?

J’espère que cet article constitue juste une tentative de l’auteur de faire le buzz en prenant le contrepied d’une idée qui lui échappe. Sinon, je désespère d’une partie de l’humanité !

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