Pour en finir avec « l’innovation disruptive » par Philippe Vallat

innovation disruptive UP magazineDans un article sur son blog Comitants.ch , repris par Up Magazine  Philippe Vallat bouscule les ‘mantras’ du marketing startup/hitech/digital de l’époque : bravo ! Ceci dit, ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain ?

Il semble en effet qu’on ne parle plus que d’innovation disruptive, de digitalisation, etc. comme la panacée qui sauvera le 21e siècle ? Tout à fait d’accord pour dire que l’innovation -de rupture ou non- n’est pas un but en soi ! Une passionnante réunion à d’ailleurs eu lieu récemment chez BPI France sur le thème « Innover, innover, mais pour quoi faire ? ». C’est aussi le thème d’un chapitre de l’ouvrage « A quoi ça sert ? » (pardon pour le manque d’humilité).

#Olivier Zara apporte à l’article un commentaire (im)pertinent, mais je crois que la citation d’Einstein est « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré »* : les modes de pensée, pas les gens ! Ceci est crucial : comment trouver une solution qui marche à un problème sans travailler AVEC les gens concernés, dont ceux qui ont créé le problème ?!

Mais en leur permettant de penser autrement … C’est je crois le message d’Edgar Morin, qui plaide pour un raisonnement systémique et non plus cartésien.

C’est le coeur du message de la pensée systémique : reposer les (problèmes) projets en termes de finalités (à quoi ça sert ? pour faire quoi ? pour qui ?) et pas seulement en termes de causalités (pourquoi ? par qui ? …) prônés par le Discours de la Méthode à la base du raisonnement scientifique. Voir l’introduction de « La théorie du système général » de Jean-Louis Le Moigne, comparse de Edgar Morin.

Einstein disait aussi : « Des moyens parfaits et des buts confus semblent être notre plus grand problème »*.

Edgar Morin plaidait récemment à l’Unesco pour « enseigner la complexité » : le besoin est criant d’apprendre cette nouvelle forme de raisonnement. Il se trouve qu’il est déjà inclus -parfois en partie et implicitement- dans les méthodes évoquées dans l’article : Blue Ocean, PESTEL analysis, (et bien d’autres ! voir les pages de ce blog et l’ouvrage collectif « Valeur(s) & Management« )

Si « l’innovation disruptive » se réduit à un appel à appliquer partout les solutions technos/digitales du jour, il s’agit en effet du même raisonnement que celui qui a créé le ‘problème’.

Mais si un besoin de quelqu’un n’est pas satisfait, que faire de mieux que d’essayer d’y répondre, en améliorant les solutions existantes ? En innovant, quoi … Si cela peut se faire en douceur, c’est mieux que si on doit créer ‘une rupture’, bien sûr. Avec des ‘low tech’ aussi bien que des ‘high tech’. Mais surtout en changeant de façon de penser pour passer au raisonnement Valeur(s) et à l’approche système.

* source des citations : http://www.evolution-101.com/citations-dalbert-einstein/

Un commentaire


  1. Tout à fait d’accord avec ce qu’écrit Olaf.
    L’étape essentielle, primordiale est de commencer par poser le ou les besoins à satisfaire, en termes de finalités et au niveau de perspective le plus élevé où l’on soit encore légitime : Où veut-on aller au fond ? Pour Quoi faire ? Pour Qui ?… La clarification qui s’ensuit est toujours réjouissante, parfois éblouissante.
    Puis vient naturellement l’évaluation du niveau de satisfaction par l’existant, les solutions en place, et l’analyse des dépenses effectives, en coût global. Les surprises sont nombreuses à ce niveau-là aussi, à commencer par la découverte… qu’il n’y a pas de problème ! Ou l’identification des véritables hémorragies financières, qui ne sont pas toujours là où on les attendait. C’est aussi le moment de penser prospectivement, pour imaginer les besoins de demain, prendre en compte les évolution et identifier précocément les risques, toujours par rapport à la situation actuelle.
    On est alors capable de poser la problématique réelle liée au projet.
    Quel est en bref le constat : il existe des besoins actuels qui ne sont pas satisfaits, ou mal ; il existe des besoins nouveaux ou émergents, ou des contraintes, qui ne sont pas pris en compte ; il existe des dépenses importantes, dont il convient d’examiner la légitimité, voire de dégonfler…
    Où est l’innovation dans tout ça ? Elle n’est pas encore là, parce que maintenant il s’agit de trouver des solutions les plus transverses et globales à la multitudes de « problèmes » que l’on a identifié et dimensionnés. Mais cette recherche ne commence pas par l’innovation, car inutile de réinventer l’eau chaude, si on l’a déjà au robinet et qu’elle ne coûte pas cher. C’est donc l’examen, guidé par un retour d’expérience et la connaissance de l’état de l’art, par un benchmark concurrentiel aussi, qui va permettre d’identifier les solution connues, simples et pas chères qui peuvent apporter satisfaction au moindre coût sans faire apparaître de nouveaux risques, et des délais supplémentaires de mise au point.
    Ce n’est que si l’on ne trouve pas de solution satisfaisante connue, ou adaptable à partir du connu, que l’on se tournera vers la nouveauté, par un simple souci d’économie de temps et de moyens. Les équipes-projet ne peuvent pas, n’ont pas les moyens humains et matériels d’explorer la nouveauté sur tous les aspects de la problématique qu’ils ont à traiter.
    Pour ce qui est de l’innovation, elle peut être aussi étudiée dans les situations de blocage (économique ou fonctionnel) lorsque les solutions émergentes ont un potentiel disruptif important, qu’elles autorisent un « rebelotage complet » des cartes. Lorsque l’équipe d’Elon Musk choisit d’explorer la voie de la fusée « A la Tintin », c’est bien sûr parce que cette voie permet de remettre en cause les difficultés du « piggy-back » de la navette spatiale américaine, et de s’affranchir de la complexité des liaisons fonctionnelles et matérielles inter-étages d’Ariane et de sa problématique de chute des morceaux… Ils n’ont pas encore démontré la validité de leur solution innovante (satisfaire tous les besoins, au bon niveau de performance tout en maîtrisant les coûts et les risques. Ils ont toutefois déjà prouvé que les temps de développement de ce type de solution sont sans commune mesure avec les décennies nécessaires précédemment.
    Quant à l’innovation pour l’innovation, elle est en réalité très rarement justifiée et ne se retrouve que dans les projets à forte composante « mode », là où « faire différent » compte plus que faire « bien et pas cher », qui reste l’objectif majeur de 99% des projets.
    A la source de cette pression irraisonnée vers l’innovation se trouvent comme de juste les « marchands de solutions » qui gagnent leur vie en développant des solutions à des problèmes qu’ils ne connaissent pas et dont ils ne souhaitent surtout pas la clarification par leurs clients.
    Il se trouve que notre métier, à nous, méthodologues des démarches « Valeur », est très précisément à l’opposé de leur pression. Notre métier consiste à aider des groupes de parties prenantes à explorer leur problématique et à établir très en amont des projets la gouvernance et les critères de décision qui permettront de choisir entre des scénarios, des solutions, innovantes ou non, construites spécifiquement dans le cadre du projet ou « en rayonnage ».
    Parmi ces critères, le besoin de nouveauté peut exister, sur certain projets, mais à sa juste place, parmi tous les autres, et à son juste poids, qui n’est jamais l’innovation à tout prix …

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