Le thème de la REF 2023 Rencontre des Entrepreneurs de France, l’université d’été du MEDEF, était « Engagez-vous ! : Pour quoi s’engager ? Comment donner du sens à l’entreprise ? Comment engager ses collaborateurs ? ».
J’ai eu l’honneur et le grand plaisir d’animer le 29 août dernier, dans ce cadre un atelier proposé par les EDC – Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens sur le thème « Partage de valeur(s) par l’entreprise« . Son objectif : une vision enrichie du partage de valeur(s) par l’entreprise.
En voici l’enregistrement vidéo : 15 minutes d’exercice collectif et 10 minutes d’échanges avec les entrepreneurs présents
Co-animé avec Yann Dugenet dans le cadre du stand mis en place par Quentin Brunel, cet atelier a eu pour objectif pour les participants à la REF 2023 une vision enrichie du partage de valeur(s) par l’entreprise, par un partage autour de questions simples : Partager quoi ? Avec qui ?
Les réponses des entrepreneurs participants ont permis de modéliser les échanges entre parties prenantes de l’entreprise et la création de valeur(s) qui en résulte pour chacune, satisfaire de recevoir plus que ce qu’elle donne en échange :
- un actionnaire reçoit de l’argent (plus-value financière de l’exercice, reste de l’argent des clients après paiement des autres parties prenantes) en remboursement de son investissement initial
- un salarié reçoit de l’argent (et bien d’autres choses : travail, dignité, statut social, épanouissement, relations, …) en échange de son travail : temps, compétences, motivation …
- un client donne de l’argent (du temps, etc.) en échange d’un produit/service qui comble ses besoins
- un fournisseur reçoit aussi de l’argent du client, mais aussi sécurité, relations, etc. en échange des ressources nécessaires au produit/service qui satisfera ce client
- l’Etat, les collectivités locales reçoit les taxes et impôts en échange de services directs à l’entreprise ou redistribués via la Société : infrastructures, social, sécurité … Les impôts peuvent donc être vus comme le 1er levier de « responsabilité sociétale’ de l’entreprise !
- l’environnement : la nature, le territoire … fournissent toutes les ressources qui se retrouvent dans les produits/services aux clients, indirectement via les fournisseurs et directement à l’entreprise : air, lumière, espace, eau … Il est grand temps de se rendre compte que ce que l’entreprise rend à l’environnement devrait être au moins neutre, et idéalement positif pour celui-ci ! De nombreux groupes de pression le revendiquent pour la Nature, et l’on constate un risque croissant que cette partie prenante finisse par se lasser du déséquilibre de l’échange, au point de ne plus fournir à l’entreprise et la Société les ressources pourtant indispensables à la vie …
L’entreprise et ses parties prenantes sont inter-dépendantes : impossible d’en satisfaire une sans satisfaire les autres !
Quels enseignements nous livrent cet exercice sur le partage de valeur(s) par l’entreprise ?
- L’entreprise sert à la création de valeur(s) pour ses parties prenantes, par des échanges où chacune reçoit plus qu’elle n’a donné
- au-delà de -mais incluant- la valeur financière
- pour des personnes, dans le respect de leurs valeurs et de leurs contributions
- aucune ne peut à long terme être satisfaite sans satisfaire l’ensemble des autres
- contribuant ainsi au Bien Commun
- Le partage de la ‘plus-value financière’ n’est qu’une des valeurs créée par l’entreprise
- certaines (les clients, les financeurs …) donnent de l’argent !
- d’autres n’en veulent pas (l’environnement).
- la plupart attendent aussi autre chose : reconnaissance, sécurité, épanouissement …
- l’argent n’est souvent qu’un moyen pour un but plus ‘élevé’
- Les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens se réfèrent à la Doctrine Sociale de l’Eglise et au message du Christ : tu aimeras ton prochain comme toi-même, en entreprise aussi ?
- Solidarité : s’apporter mutuellement ce dont nous avons besoin : argent + tout le reste ?
- Coopérer au Bien Commun : celui de chaque partie prenante
- ce qui est souhaitable : une vie sobre, entre la frugalité et la satiété voire l’obésité
L’atelier a permis en quelques minutes aux participants de bâtir une vision enrichie du partage de valeur(s) par l’entreprise. Et suscité de nombreux échanges et commentaires : d’autres parties prenantes existent à prendre en compte, toutes ne partagent pas les mêmes valeurs, le dirigeant doit-il et comment faire pour prendre en compte toutes les parties prenantes, comment déployer cette vision dans une stratégie et des opérations de l’entreprise …
Les EDC poursuivent ces réflexions, au sein des équipes locales qui accueilleront les intéressés et des commissions de réflexion, qui publient régulièrement les résultats de leurs travaux. Nous les éclairons du message de la Pensée Sociale de l’Eglise : « aimons-nous les uns les autres » ; la dignité de l’homme par le travail ; l’attention aux plus pauvres …
Le Pape François alimente régulièrement cette vision de l’entreprise au service du Bien Commun :
- La mission de l’entrepreneur au service du Bien Commun a été mise à l’honneur par Patrick Martin lors de son discours d’ouverture : https://youtu.be/0IPyG44nWRA , qui a également cité un message du Pape François adressé aux entrepreneurs français, partagé en réunion plénière : https://extranet.lesedc.org/news/message-du-pape-francois-aux-entrepreneurs-de-france-608.
- l’encyclique « Laudato Si’ : pour la sauvegarde de la maison commune » plaide pour un « développement intégral » visant l’épanouissement de l’humain et le respect de la Nature. Elle propose un questionnement : « Dans toute discussion autour d’une initiative, une série de questions devrait se poser en vue de discerner si elle offrira ou non un véritable développement intégral : Pour quoi ? Par quoi ? Où ? Quand ? De quelle manière ? Pour qui ? Quels sont les risques ? À quel coût ? Qui paiera les coûts et comment le fera-t-il ? » (V. 185, Laudato Si)
Les EDC et les chrétiens ne sont pas seuls à penser l’entreprise comme un endroit d’échanges, de collaboration, à co-construction avec ses interlocuteurs, dont la ‘raison d’être’ ne se limite pas à l’argent mais au Bien Commun … Ceux qui veulent aller plus loin retrouveront les mêmes concepts chez des experts du management les plus avancés :
- la « théorie des parties prenantes » élaborée par Freeman, présentée dans la revue Recherches
- le témoignage « Net Positive : how courageous companies thrive by giving more than they take » de Paul Polman, ex-CEO du groupe Unilever, récemment traduit en français
- les travaux de l’Université d’Oxford / Saïd Business School sur « economics of mutuality »
- de nombreuses méthodes récentes partagent ces fondements systémiques pour aider les acteurs de l’entreprise à repartir du sens de leurs actions pour contribuer à un monde meilleur : échangez avec les 2000 membres du groupe LinkedIn Valeur(s) & Management ?
Poursuivons donc les échanges sur la manière de faire contribuer VOTRE entreprise au Bien Commun : le vôtre, celui des vôtres, de vos employés, vos clients, … et chacune des parties prenantes concernées : Connaissez-vous leurs besoins ? Sont-ils satisfaits ? Comment l’améliorer ensemble ?
Les lecteurs de ce blog savent déjà que la ‘modélisation système‘ utilisée pour cet échange est un outil de base du raisonnement Valeur(s), pour faciliter l’expression du sens et de la finalité des choses « A quoi ça sert ? » avant de concevoir des solutions sobres « Que suffit-il ? » en travaillant AVEC et pour les parties prenantes concernées.