À l’occasion de la parution en français de l’ouvrage de référence « Pour une pensée systémique » de Donella Meadows, l’ADEME, les éditions Rue de l’échiquier et le cabinet de conseil Inddigo ont organisé le mardi 21 mars 2023 une la soirée consacrée à la question « Pour une transition systémique en France ? ».une présentation par l’ADEME de la première traduction en français du livre de Donella Meadows « Thinking in systems » sous le titre « Pour une pensée systémique » aux Editions Rue de l’Echiquier, qui méritait un compte-rendu !
Avant le résumé de la présentation ci-dessous, voici en conclusion quelques pistes sur ce que le Value(s) Design peut tirer de et apporter à ces réflexions 🙂
Conclusion : le lien avec le Value(s) Design
Nos lecteurs savent déjà que le Value(s) Design tire son originalité de la systémique de Jean-Louis Le Moigne. Le livre de Donnella Meadows y apporte des compléments majeurs :
- la dynamique des systèmes permet de quantifier les relations inputs / outputs, déjà modélisables selon Le Moigne
- 12 niveaux de leviers d’action sont proposés pour améliorer un système
Les réactions du public posent les limites de la présentation par l’ADEME :
- comment dépasser les réticences hiérarchiques ou de personnes ‘coincées’ dans un ancien système ?
- comment agir au plus haut niveau du système ‘mondial’, pour éviter une action ‘locale’ qui n’agisse pas à long terme, sans devoir refaire le monde ?
L’expérience accumulée pendant des années de mise en oeuvre du Value(s) Design permet des réponses :
- les niveaux d’action les plus efficaces proposés par Donnella Meadows : mettre en évidence et transcender le paradigme à l’oeuvre, puis travailler sur les buts, par auto-organisation, sont les axes centraux du Value(s) Design, qui permet donc leur mise en oeuvre méthodique !
- le meilleur niveau d’action pour agit de façon systémique est CHAQUE projet d’amélioration ! Quelle que soit la problématique initiale, elle part d’une insatisfaction d’un acteur qui décide d’agir. à son niveau. Le Value(s) Design considère alors le périmètre à améliorer comme un système, qui sera le lieu d’action optimale. La démarche suppose d’étudier les besoins auxquels ce ‘système’ répond pour chacun des acteurs concernés. Puis de travailler avec ceux-ci et les porteurs de solution pour définir une (des) solution(s) qui réponde(nt) aux besoins de chacun. Chaque projet vise donc une amélioration d’un système ‘local’, inséré dans un éco-système plus large qui inclut se sparties prenantes, sera pris en compte pour des solutions soit locales soit plus larges (si c’est plus efficace et possible). Il est donc toujours possible d’agir localement de façon systémique !
- la mobilisation des acteurs -le plus souvent a priori réticents aux changements- est activée AVANT la conception de solution, par l’explicitation des insatisfactions et des besoins de toutes les parties prenantes : chacun travaillera ensuite à définir une (des) solution(s) pour répondre à SON besoin, en ayant pris conscience qu’il n’obtiendra satisfaction que SI les autres parties prenantes sont aussi satisfaites : ce que chacun peut obtenir viendra d’un autre ! Ceci permet d’éviter une résistance ultérieure au changement de solution, par la motivation de chacun à améliorer son propre sort.
Voici une belle occasion de synergies avec l’ADEME 🙂
Résumé de la présentation de « Pour une pensée systémique »
Faut-il présenter Donella Meadows, co-auteur avec son mari Denis Meadows également chercheur au MIT du livre « Les limites de la croissance / Limits to growth » qui fonda tant de prises de conscience des transitions en cours et des « limites planétaires ». La base de leur réflexion est « une autre façon de penser » que celle des sciences en silos : la pensée systémique.
Les exemples choisis sont anciens mais toujours pertinents. L’éditeur US y voit de quoi aider ceux qui travaillent à améliorer la contribution des entreprises à un monde meilleur, et sont confrontés à la difficulté d’un changement positif et durable : un ouvrage accessible pour comprendre les systèmes et apprendre à les gérer et remanier.
Bruno Lhoste, président de Indigo, cabinet de conseil et d’ingénierie en développement durable résume l’ouvrage :
- Donella Meadows cherche comment éviter d’exploser les limites planétaires, comprendre les système et choisir les meilleurs leviers pour les améliorer.
- Un système est un ensemble d’éléments interdépendant organisés de manière cohérente pour accomplir quelque chose: composants * inter-relations * but.
- La dynamique des systèmes dans le temps permet de les comprendre, à travers les flux qui les traversent, les stocks constitués et les boucles de rétro-actions correctrices ou amplificatrices
- Les systèmes sont en inter-relations, souvent non-linéaires, confrontés à des limites, qui rendent difficile de connaître les résultats d’une action sur ceux-ci.
- Différents leviers permettent d’agir plus ou moins efficacement sur les systèmes.
- Donella Meadows insite sur 2 points : prêter attention à ce qui est important et pas seulement ce qui est quantifiable ET ne pas oublier l’objectif de bonté, qui donne le sens des systèmes.
Jean-François Caron, président de la Fabrique des Transitions (ancien kinésithérapeute) et maire de Loos-en-Gohelle, ville historiquement minière qui a cherché à « rebondir », a ensuite présenté comment leur expérience s’est appuyée sur l’approche systémique. Cette ville a été confrontée 40 ans avant les autres à ce que tous devront faire désormais !
- un nouvel imaginaire, une nouvelle culture sont indispensables à dépasser les résistances
- au départ : assumer l’histoire, revenir aux valeurs des citoyens (pas toutes les mêmes…)
- puis définir où aller en ciblant les problèmes cruciaux : assainir l’eau, arrêter le charbon, isoler les maisons, installer le tram, planter des fruitiers (puis échanger des confitures ;-), installer des panneaux solaires … pour rendre explicites les motivations des gens
- mesurer les externalités positives et négatives, pas seulement financières
- le résultat montre des synergies entre économique, environnemental, relations entre citoyens, implication politique …
- les innovations sont issues du PFH « Précieux Facteur Humain » : seuls les gens changent, à partir de la peur ET du désir, qui donne l’énergie, par exemple : première ville de France intégralement solaire (dans le Nord !)
Thibault Faucon, responsable du programme « transition systémique » de l’ADEME, présente les actions de l’ADEME depuis 2018 pour la systémique : conférences, formations basées sur les « référentiels d’innovation systémiques » de Donnella Meadows, …
Les ateliers low-tech poussent vers la sobriété, en ralentissant les boucles de rétro-actions amplificatrices négatives , avant de mettre en place et de renforcer les boucles positives : innovation …
La prise en compte de la temporalité est importante pour éviter les effets rebonds : p. ex. le gain d’efficience des moteurs thermiques pousse à augmenter leur puissance plutôt que réduire leur consommation.
L’importance des récits et du paradigme a mené depuis l’ADEME à développer 4 récits de la transition :
Stéphanie Gaucher architecte urbaniste du cabinet Indigo a présenté des travaux sur la soutenabilité du centre historique de Marseille : trop ET pas assez d’eau, t° en hausse, déclin du végétal, patrimoine dégradé, flux péri-urbains, pauvreté de populations … L’étude passe par l’analyse des stocks et flux (eau, air, voitures …), les moyens de ralentir et gérer les flux : mailler plutôt que concentrer, changer l’affectation des espaces vers le végétal, favoriser l’auto-organisation des acteurs présents et des citoyens … La démarche est réplicable pour d’autres villes.
Mariana Mirabile, économiste et analyste politique pour l’OCDE, présente ses travaux sur les leviers d’actions sur les systèmes de transport pour le gouvernement d’Irlande. La démarche retenue : imaginer / comprendre / agir :
- Imaginer : passer de 3/4 de transport par voiture à plus de vélos et de transport en commun.
- Comprendre : passer de « les gens préfèrent la voiture » à une vision plus complète / complexe : la voiture est liée à : liberté, modernité, distance / vitesse > les leviers peuvent alors devenir : limiter les distances
- Agir : les leviers peuvent alors devenir : limiter les distances, augmenter les interconnexions
- un point important : le résultat final / output est important, mais le processus d’interactions qui y mène est majeur, ce qui est plus facile sur des projets locaux que nationaux
Arthur Keller, spécialiste des risques systémiques et des stratégies de résilience, présente les freins à la mise en oeuvre de la systémique : la pensée systémique manque, ainsi que la réflexion sur les besoins. Par exemple : le développement d’usines de fabrication de batterie devrait suivre une réflexion sur la voiture, la mobilité, les besoins de déplacement. L’action optimale dans le système actuel ne suffira pas. Il est nécessaire de changer DE système, en changeant de finalités. D’agir individuellement ET surtout collectivement, comme citoyen et comme acteur d’entreprises de finalité positive.
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