Annoncé dans ces pages, le symposium « Business models disruptifs » du CPP le 21 septembre dernier a tenu ses promesses ! Nous ne résistons pas à vous résumer les points principaux, très en ligne avec nos travaux.
- Dominique Pageaud, associé du cabinet EY, a lancé la matinée en soulignant que « dans ce monde de complexité et d’incertitude, rien ne se fait sans valeurs » et que plutôt que de seulement manager les changements, il s’agit de se demander « pour quoi on change ? ».
- L’introduction de Corinne Genet, Professeur à Grenoble EM, a permis de vérifier la pertinence des méthodes d’innovation stratégique pour Zara, le Cirque du Soleil, EasyJet … nous avons reconnu -sans qu’elle les ait nommées- Blue Ocean strategy et Business Model canvas.
Mais surtout, 3 des 4 patrons d’entreprises invités ont témoigné de la façon dont ils ont « disrupté leur business model » :
- Hugues Le Bret, cofondateur de Compte Nickel (après avoir fondé Boursorama…), a voulu « lutter contre une injustice : les interdits bancaires payent jusqu’à plus de 500€ par an les services que les gens ‘aisés’ paient 20 à 50€ ! ». Il a donc réfléchi « avec des personnes concernées » et posé la question « à quoi ça sert une banque ? » et « que suffit-il pour ce faire ?« . Les réponses se sont avérées simples -mais pas évidentes- et ont ouvert la porte à une évolution juridique récente : il suffit d’un établissement de débit et non pas de crébit ! Les contraintes réglementaires en sont simplifiées, ce qui a permis d’automatiser l’ouverture et la gestion d’un compte. Et plus besoin d’une agence bancaire : les buralistes ont un réseau très large, des horaires qui conviennent et, surtout, envie d’élargir leur offre vers des services plus valorisants que cigarettes, alcools et PMU … Par contre, la gestion du débit suppose un traitement en temps réel des opérations, non réalisé par les banques mais qui donne au Compte Nickel un avantage étonnant en sécurité des paiements ! Résultat : 1er établissement en ouverture de comptes en France !
Nos lecteurs auront repéré ci-dessus les 3 points)clé du raisonnement Valeur(s) : « à quoi ça sert ? » / « que surgit-il ? » / « avec les parties prenantes » ? Ma surprise a été forte d’entendre Hughes Le Bret les utiliser spontanément, sans qu’il connaisse nos travaux !
- Yvan Wibaux, fondateur d’Evaneos, une plateforme internet qui révolutionne le « voyage sur mesure » a présenté son business model de la façon suivante : « le process classique d’un projet de voyage suppose de multiples acteurs : voyageur > agence de voyage > tour operator > DMC (agences locales) > services hôteliers et autres. Avec des insatisfactions : aléas locaux, offres peu souples, concentrations de touristes … » mal vécues par le jeune voyageur qu’était Yvan Wibaux. Il a donc imaginé de mettre en contact direct les voyageurs « passionnés d’avance par leur projet » et les DMC « passionnés de leur pays et de ce qu’il offre ». Et avec les autres voyageurs « encore passionnés par leur expérience » et prêts à recommander les meilleures plans expérimentés.
A nouveau on reconnaît nos principes Valeur(s) ! Yvan wibaux nous a confirmé que ce questionnement est bien à l’origine de cette innovation qui change tout dans le monde du voyage … D’ailleurs, l’entreprise se construit autour de projets « agiles » et dans l’esprit « entreprise libérée » qui découle logiquement de ce mode de pensée…
- Muriel Barneoud, présidente de Docapost, nous a montré un bel exemple d’humilité et de résilience, en utilisant elle aussi spontanément notre raisonnement Valeur(s). Elle a d’abord reconnu « nous nous sommes trompés comme Kodak avec la photo argentique ! » : Amazon a bien sûr révolutionné le monde du commerce, mais La Poste a d’abord cru en bénéficier par l’augmentation générée de courrier. Sans pressentir qu’une fois le volume suffisant, Amazon mettrait en place sa propre logistique … Autre constat plus alarmant : « La Poste a en même temps perdu un de ses assets majeurs historique : le contact avec les gens. Pour optimiser les tournées, les facteurs s’arrêtent désormais à la boîte aux lettres. Le contact direct avec les clients a été récupéré par … Amazon ! ». Une réaction stratégique est indispensable : quels avantages La Poste peut-elle mettre en avant ? A la question « à quoi sert La Poste ? Et à quoi servent les facteurs ? », deux réponses étonnantes :
- la confiance des gens dans la confidentialité des documents confiés à La Poste, contrastant facilement avec la revente des données des clients pour assurer les profits des GAFA ! Docapost offre par exemple des services de distribution en toute discrétion.
- les facteurs, qui pourraient n’être vus que comme un désavantage de coût, peuvent redevenir un atout dans la fourniture de services de proximité : Docapost propose par exemple des visites aux personnes âgées ou dépendantes.
Voici que Docapost disrupte le business model de Amazon ? Chapeau bas !
Ces exemples confirment bien la pertinence du raisonnement Valeur(s) pour révolutionner un business model, quel que soit le domaine.