« Comment mesurer la valeur créée par les achats responsables et durables » Décisions Achats

Décisions AchatsUne série d’articles paru dans Décisions Achats vise une ambition magnifique : mesurer la valeur créée par les achats responsables et durables ! Et propose à l’acheteur d’ajouter à ses objectifs la participation à la ‘responsabilité de l’entreprise’ : la Shared Value. Bravo !
Mais quelle déception : la ‘création de valeur’ par une entreprise s’y réduit à l’argent ? Et surtout aux réductions des coûts ? Le §1 réduit la création de valeur par les achats à la réduction du TCO  coût complet de possession ou ‘cash out’ (beau progrès quand même par rapport au seul coût d’achat !). Le §3 l’élargit au cash flow, en ajoutant le ‘cash-in’ de la revente de déchets (sic!), le coût de couverture des risques et -timidement- l’accroissement du chiffres d’affaires (mais saluons cette ouverture). Et le §4 fond la ‘responsabilité’ dans le TCO …
Exit les valeurs, parce que ‘difficilement valorisables » (en argent) … Nous voici avec une entreprise ramenée à un unique objectif de profit !?
Dommage ! Je pensais bien qu’une entreprise sert à rentabiliser l’investissement de ses actionnaires, quoique bien des entreprises familiales visent autre chose … et que des entreprises ‘sociales’ ciblent d’abord des emplois stables … le profit est indispensable pour la survie d’une entreprise.
Mais je pensais qu’une entreprise servait aussi ses clients ? En leur apportant la satisfaction de besoins. Contre paiement bien sûr ! Mais le client n’accorde-t-il pas plus de valeur au produit acheté (en fait, au service rendu) qu’à l’argent payé en échange ?
Je pensais que l’entreprise servait à ses fournisseurs et partenaires, certes en leur apportant de l’argent en échange de produits et services, mais aussi en lui donnant une visibilité sur l’avenir, en lui permettant de concrétiser ses innovations potentielles,  en lui faisant profiter de l’image de ses clients les plus prestigieux pour rassurer les autres, en lui faisant profiter des compétences du client : marchés à l’export, méthodes …

Je pensais que l’entreprise servait à ses salariés, en leur assurant une rémunération mais aussi un statut social, un épanouissement intellectuel et relationnel, des conditions de vie au quotidien …

Je pensais que la ‘responsabilité sociétale et environnementale’ relevait de la contribution à l’amélioration -ou au moins la non-dégradation- de l’environnement naturel et humain desquels elle profite, gratuitement ? Pas seulement à éviter des amendes.
Je pensais que l’acheteur doit avoir le souci du service aux utilisateurs internes des produits et services qu’il achète, qui ne peuvent participer à la ‘création de valur’ par l’entreprise si les moyens dont ils disposent ne sont pas adéquats ?
Je croyais que la création de valeur par des acheteurs pouvait être leur participation à la satisfaction de toutes leurs parties prenantes, pas seulement les actionnaires. Mais c’est vrai que si la valeur se mesure en argent, même à court ou long terme …
L’argument du ‘difficilement valorisable’ n’est vrai que si l’on doit mesurer en argent : demandez aux qualiticiens et marketeurs si la satisfaction des clients se mesure en argent ? Demandez aux acheteurs ‘responsables’ si le fait d’acheter à une entreprise sociale plutôt qu’un fournisseur low cost les rend fiers parce qu’ils ont fait des économies ? (ce n’est d’ailleurs pas incompatible). Demandez aux salariés si leur motivation au travail n’est liée qu’à leur augmentation de salaire ?
Il est en réalité tout à fait possible de mesurer l’apport de valeur par les achats (comme de tout autre acteur de l’entreprise) par la mesure de la satisfaction des attentes de ses parties prenantes, certaines mesurées en argent, cash-in ou cash-out en effet, mais beaucoup sur d’autres ‘valeurs’ (besoins remplis, confort, temps, estime de soi …) qui font que chaque échange est créateur de valeur : les 2 parties tirent plus de ce qu’elles reçoivent que de ce qu’elles donnent ! Nous avons déjà exploré dans ces pages la démarche Valeur(s) appliquée aux achats.
C’est d’ailleurs le fondement du Business ScoreCard plébiscité par les gestionnaires, la base des innovations par l’analyse de la Valeur et le Redesign to Cost, l’intérêt de l’économie de fonctionalité et de l’économie circulaire citée dans cet article,  et même ce que prône Mickaël Porter dans la Shared Value Initiative !
Dommage donc : je suis d’origine danoise comme l’auteure des articles, Nadia Mille (ingénieur des Mines , ex pro des achats chez PSA, enseignante à Centrale Paris et promotrice des achats responsables à l’ACA-HEC) et nous connaissons le succès de nos compatriotes dans la prise en compte du bien-être dans la société et les entreprises dans ce pays où les gens sont les plus heureux ! Où sont passées ces valeurs ; disparues parce que non ‘valorisables’ ?! Il va falloir que nous collaborions …

3 commentaires


  1. En effet, je peux paraître idéaliste de penser que seul l’argent fait bouger les gens et le monde.

    J’observe que je ne suis pas seul … de nombreux psychologues (par exemple les promoteurs de l’ennéagramme et Process Com) montrent que certaines personnes sont motivées d’abord par l’argent (12% de ‘promoteurs’) d’autres par la qualité des relations (empathique), du résultat du travail (travaillomane) …

    Evidemment tous ont besoin d’argent et travailleront pour vivre, mais seuls les ‘promoteurs’ en donneront plus pour plus d’argent ! Et ne simplifions pas, tout çà est ‘complexe’ …

    Mon expérience de l’application du raisonnement Valeur sur plein de sujets m’a souligné l’intérêt de mobiliser les gens par là où ils sont mûs : dommage de restreindre la création de valeur en entreprise à des échanges d’argent !

    D’ailleurs la valeur de l’argent elle-même est très subjective : 100€ n’ont pas du tout la même valeur pour moi, Bill Gates, mon fiston ou un type perdu dans le désert sans eau, non ?

    Je suis tout à fait en ligne quant à l’importance du court et long terme. Mais l’injonction n’est plus paradoxale si l’on distingue bien les objectifs selon leur échelle de temps : les objectifs court terme doivent être atteints si l’on souhaite que le long terme advienne ; les objectifs long terme doivent être définis et travaillés longtemps avant, sinon, le court terme s’arrête … J’ai plein d’exemples concrets dans des missions si çà vous intéresse ?

    Merci de ces échanges constructifs ! Seule la contradiction oblige à préciser sa pensée 😉

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  2. « Olaf peut sembler être un idéaliste tant il est à la recherche d’autres mesures que celle de l’argent.
    L’argent serait donc le levier d’action face au moteur des actions qu’est l’argent. Certes, surement d’ailleurs.
    D’autres « valeurs » sont mesurables mais le seront-elles à l’aune des PDG et de l’esprit du temps qui partagent, aujourd’hui bien souvent me semble-t-il, qu’une valeur de référence : devenir riche.
    L’acheteur professionnel ne se trouve-t-il pas entre deux injonctions paradoxales : l’instant et la durée
    L’esprit du temps va peut-être changer…Ne serait-il pas en train de changer… »

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  3. Olaf peut sembler être un idéaliste tant il est à la recherche d’autres mesures que celle de l’argent.
    L’argent serait donc le levier d’action face au moteur des actions qu’est l’argent. Certes, surement d’ailleurs.
    D’autres « valeurs » sont mesurables mais le seront-elles à l’aune des PDG et de l’esprit du temps qui partagent, aujourd’hui bien souvent me semble-t-il, qu’une valeur de référence : devenir riche.
    L’acheteur professionnel ne se trouve-t-il pas entre deux injonctions paradoxales : l’instant et la durée
    L’esprit du temps va peut-être changer…Ne serait-il pas en train de changer…

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