Notre confrère Vincent Holley, consultant en « engineering performances » chez ANEO, publie une présentation ‘impertinente mais pertinente’ : « L’analyse du besoin, c’est has been » !?
Sachant qu’il a été formé à bonne école (notre confrère Bernard Yannou a encadré sa thèse à l’ECP), je n’ai pu m’empêcher d’y apporter le commentaire suivant :
« Votre plaidoyer pour l’exploration des usages est pertinent !
Dommage que le titre soit si provocateur et prête à discussion : à mon sens, le besoin (manque, conscient ou non) pré-existe à un désir (envie de combler un besoin) puis une demande (expression de cette envie pour combler le besoin) et ensuite à l’usage d’une solution ?
Personne n’avait évidemment ‘besoin’ d’un iPhone avant qu’il n’existe ! Mais le besoin de communiquer par oral à distance existe depuis toujours ? L’envie de le faire le plus simplement possible, sans devoir manipuler un appareil complexe, existe depuis que l’homme a des outils ? La demande d’un téléphone portable existait avant l’iPhone. Mais son usage ne pouvait pré-exister !
L’intuition géniale de Steve Jobs a été de comprendre qu’une solution pouvait être conçue sans étude de marché ou prototypage, à partir de sa propre expérience et de son perfectionnisme. Malheureusement (ou pas, vu son mode de management …) toutes les entreprises n’ont pas un patron aussi génial …
Ce débat a lieu depuis longtemps : Henry Ford déclarait lors du lancement de la Ford T que si l’on avait écouté ce que demandent les gens, on aurait favbriqué des chevaux plus rapides pour tirer les calèches …
Là où je vous rejoins, c’est que les gens ont bien du mal à exprimer leurs besoins, voire à les connaître, et demandent donc en général les solutions qu’ils connaissent, sans les défauts et moins chères ! En y ajoutant parfois des demandes issues de la prise de conscience de besoins, comme récemment ceux de respecter l’environnement et la société (besoins qui ne sont pourtant pas nouveaux !?).
D’où l’intérêt d’observer les usages : les gens utilisent pour répondre à leur besoins des solutions imparfaites, mais qui donnent de bonnes indications des besoins sous-jacents.
Exemple : il y a quelques années, un fabricant de matériel de sport a eu l’idée de lancer en Europe la fabrication de ‘patins en ligne’, alors en vogue au Etats-Unis. Une exploration des usages aux USA a permis de mettre en évidence fes besoins très différents pour des catégories d’utilisateurs, qui ‘customisaient’ les produits proposés alors : les hockeyeurs pour s’entrainer l’été n’ont pas besoin des mêmes performances (maniabilité, résistance aux chocs) que les coureurs de vitesse de descente (frottement limité, précision de pilotage) et les adeptes du fitness (look, confort) … D’où une segmentation possible de l’offre vers ces publics, avec des produits adaptés, et un beau succès commercial en Europe.
Autre anecdote : l’Institut Renault de la Qualité a communiqué il y a qq années sur un nouveau métier, les « hommes banquettes arrière », chargés d’analyser ce que les clients faisaient avec les voitures concues par les ingénieurs (qui pensaient connaître bien les besoins, puisqu’ils avaient eux-même une voiture ;-).
Preuves que l’exploration des usages, si elle est pertinente, n’est pas nouvelle.
Et que l’analyse du besoin (souvent caché derrière l’usage) reste primordiale.
Mais qu’aider à formuler un besoin mis en évidence par l’exploration des usages est gage d’efficacité et d’innovation de rupture !
Des méthodes existent pour aider à la transformation de demandes ou d’observations d’usages en besoins : une réelle synergie est possible !
A votre disposition pour échanger sur ces sujets, dont l’AFAV se fait écho depuis des dizaines d’années, et qu’explorent les membres du réseau Valeur(s) & Management, pas seulement au niveau de la conception de produits/services/systèmes, mais aussi de toutes les problématiques de management.
Olaf de Hemmer Gudme
Value(s) Management – création de valeur(s)
Président de l’AFAV