les belles histoires du Value(s) Design : remplacement des unités de levage d’un site industriel

Poursuivons la série des belles histoires du Value(s) Design, où je vous raconte comment le Value(s) Design génère en 2 questions et 1 principe des innovations de rupture, frugales et responsables.

Aujourd’hui, nous racontons comment un projet de remplacement des 16 unités de levage équipant un site industriel SEVESO, amène les acheteurs à les re-concevoir. Résultat :

  • 45% d’économies !
  • avec le même fournisseur !
  • et un meilleur taux de disponibilité !

Les morales de cette histoire, très contre-intuitives :

  • pour des économies vraiment radicales, travaillez AVEC et POUR vos fournisseurs, grâce au Value(s) Design !!! (même si vous êtes acheteur …)
  • la standardisation est LA PREMIERE cause de surdimensionnement des solutions : répondez à chaque besoin avec la solution qui suffit !!! (et faites ensuite les standardisations au bon niveau)

NDLR : évidemment, ces histoires présentent en accéléré le résultat de travaux qui ont impliqué l’équipe projet pendant quelques jours sur quelques semaines … 😉

Si vous êtes intéressés, nous pourrons aborder d’autres questions qui ont été approfondies dans le projet réel :

  • quid des autres alternatives mises en place pour atteindre 45% d’économies : déstandardisation face aux contraintes différentes dans chaque atelier, créativité « out of the box » …
  • comment éviter que le fournisseur profite de sa situation de ‘monopole’ ?
  • comment faire accepter le changement par les ingénieurs, qui sont très fiers de la sophistication de la solution passée ?

Transmettez-moi vos questions et remarques en commentaire ci-dessous, ou via le groupe LinkedIn Valeur(s) & Management.

Retrouvez ci-dessous une transcription de cet exemple, à paraître dans un prochain ouvrage :

A l’occasion d’une opération de maintenance il y a quelques années[1], un industriel a souhaité remplacer une série d’équipements utilisés dans ses ateliers, parmi lesquels 16 « unités de levage » ou ponts roulants, conçus et installé à la création de l’usine une vingtaine d’années auparavant, et qui commencent à coûter cher en réparations. Avant de faire -comme d’habitude- travailler son service Achats pour le sourcing de nouveaux fournisseurs (à qui acheter ?), leur mise en concurrence et les négociations (à quel prix ?), nous lui suggérons de challenger la solution : acheter quoi ?

A quoi ça sert ?

Le Value(s) Design nous propose de poser d’abord la question a priori saugrenue « à quoi sert une unité de levage ? ». Et de répondre AVEC ceux qui savent : ceux à qui elle sert. On invite donc (grande première pour les ingénieurs du bureau d’étude qui ont l’habitude de travailler entre experts) les responsables du processus de production de l’usine et même les opérateurs des unités de levage. Et aussi (nous y reviendrons dans les prochaines étapes) les opérateurs de maintenance, les installateurs, etc.  Que répondent-ils à « à quoi vous sert l’unité de levage ? ». Qu’auriez-vous dit ? Leur réponse semble évidente (?) : « A lever des charges … Si on ne les avait pas, on s’y casserait le dos, pour autant que nous arrivions à soulever des centaines de kilos ! »

Nous poursuivons innocemment le dialogue : « Lever des charges ? Mais dites-moi, je n’y connais pas grand-chose, mais une charge levée en l’air ne me paraît pas être le résultat recherché ?! ». 

Après un silence un peu stupéfait, les pros poursuivent : « Ah ben non, l’unité de levage va bien sûr ensuite reposer la charge … »

« D’accord. Donc, la charge est au sol avant utilisation, et à la fin aussi ? Mais alors … ‘lever’ ne fait pas réellement partie du besoin ?! ». Consternation parmi les opérateurs autant que les concepteurs … L’un d’entre eux sauve la face : « Oui, mais si la charge est bien à la même hauteur au début et à la fin, elle n’est plus au même endroit dans l’atelier ! »

« Ah d’accord : l’utilité réelle de l’unité de levage est donc de « déplacer des charges au sol d’un côté de l’atelier à l’autre »

Les ingénieurs concepteurs constatent avec étonnement que ces unités de ‘levage’ ne servent pas à ‘lever’ … mais à déplacer la charge horizontalement, à la même hauteur !  Si vous saviez le nombre de choses dont le nom cache totalement l’utilité … Pourquoi l’appelle-t-on ‘unité de levage’ alors ? Le fournisseur le sait bien : c’est le levage qui coûte cher dans ces engins, autant prévenir le client de ce qu’il achète ? 😉

Que suffit-il ?

Maintenant que nous connaissons mieux la ‘raison d’être’ de la solution, la 2e question du Value(s) Design est « que suffit-il ? ». Travaillons à nouveau AVEC ceux qui savent : mais ce ne sont plus les mêmes que précédemment (les utilisateurs qui connaissent le besoin), nous avons besoin maintenant de celles qui connaissent les solutions, l’actuelle et d’autres solutions alternatives, même dans d’autres domaines.

On invite donc à cette réunion (pas aux autres, bien sûr !) le fournisseur actuel. Celui-ci est bien étonné de participer à une réunion de re-conception avec les ingénieurs concepteurs de son client historique : c’est une première ! Et avec les acheteurs : il doit y avoir un piège ?! Mais on ne refuse pas une invitation d’un bon client, surtout pour un produit avec autant de problèmes récurrents de maintenance, et dans un projet pour en racheter de nouveaux.

On demande donc au fournisseur : « Vous qui connaissez bien la solution actuelle, que suffit-il dans celle-ci pour répondre à la raison d’être de l’unité de levage ? A quoi servent les différents composants de vos unités de levage ? ». Même s’il se montre logiquement très réticent à donner les détails des coûts, le fournisseur accepte volontiers de lister les sous-ensembles techniques : un chariot motorisé, sur des rails accrochés en hauteur, auquel s’accrochent le système de levage, plus des câbles et commandes. 

Sans entrer dans les détails, il indique que les composants les plus coûteux sont ceux qui servent à lever et descendre les charges (d’où le nom de l’engin !). Ce qui serait une bonne nouvelle si la raison d’être de l’unité de levage était de « lever ». Mais non, nous avons découvert qu’elle sert à « déplacer des charges d’un endroit à l’autre au sol de l’atelier ». Donc, le levage, composant le plus coûteux, ne sert pas (directement) à la raison d’être de la machine ! Pourrait-on du coup en faire l’économie ?!

Continuons : « Quels composants de la solution actuelle servent à déplacer des charges au sol d’un côté de l’atelier à l’autre ? ». Le fournisseur nous le confirme : « Il suffit du chariot, qui ne coûte qu’une petite fraction du coût total ». 

« Et les rails ? ». « Ils sont dimensionnés surtout pour déplacer le chariot en hauteur, placés au sol ils seraient bien moins chers ».

« Alors, puisque lever n’est pas indispensable pour déplacer, à quoi ça sert de lever ?! ». Le fournisseur n’en sait rien … Tournons-nous à nouveau vers les utilisateurs : si on ne trouve pas de bonne raison de lever, il pourra remplacer les coûteuses unités de levage par de simples chariots au sol, 70% moins chers ! Mais les concepteurs initiaux se trouvent bien embarrassés de devoir reconnaître cette évidence … Heureusement, les responsables des ateliers concernés trouvent une réponse : « On doit bien lever, pour passer au-dessus d’obstacles, qui gêneraient un chariot ! » Leur honneur est sauf – et les économies potentielles s’envolent ?

Vérifions plus en détail avec ces concepteurs : l’analyse des ateliers à rééquiper d’unités de levage fait alors apparaître que certains des ateliers visés ne présentent … aucun obstacle pour le transport au sol. Il est alors décidé de les équiper de chariots, et de ne conserver les unités de levage que pour les ateliers où leur utilité réelle est avérée.  L’économie de 70%, est possible, mais ‘seulement’ sur 1/4 des 16 unités de levage.

Une réunion est organisée pour valider cette piste qui mènerait à 17,5% d’économie. Nous vivons alors un moment inoubliable : un des responsables de la maintenance d’un des ateliers concernés s’est exclamé en réunion « Mais un chariot, on en a un dans cet atelier ! … Au cas où l’unité de levage tombe en panne ! ». L’économie validée se montera donc finalement à 100% pour ces ateliers, soit 25% en tout !

Et le projet ne s’est pas terminé là. Nous mettrons en évidence de nombreuses possibilités de simplification des ‘unités de levage’ : par exemple, ne protéger des agressions chimiques et physiques que les équipements des ateliers … où existe vraiment la contriante ! Les concepteurs initiaux avaient en effet prévu sagement ces protections sur tous les équipements : « On ne sait jamais ! ». Ou bien mettre en évidence que la charge à transporter n’est pas la même au début du process où l’on transporte des contenants vides et à la fin où ils sont remplis, et adapter en conséquence la puissance du levage (là où il est encore utile) !

Pour la petite histoire, l’entreprise citée ici et volontairement gardée anonyme est un fleuron de l’industrie de pointe française et ses ingénieurs sont considérés parmi les meilleurs.  Leur compétence n’est nullement mise en cause : c’est la mise en œuvre collective de ces compétences qui a amené la conception initiale à des surdimensionnements apparemment en dépit du bon sens … Il a suffi de 2 questions et 1 principe pour les remettre dans le bon sens.

Ce témoignage peut vous paraître peu croyable mais je vous jure que tout ceci est vrai  angel


[1] Voir la vidéo https://valeursetmanagement.com/les-belles-histoires-du-values-design-remplacement-des-unites-de-levage-dun-site-industriel/

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