« Au nom des fameuses ‘lois de l’économie’, on nous répète que ‘seules les entreprises créent des richesses », que ‘seuls des marchés libres sont efficaces’ … la science économique exigerait compétition et soumission des nations, donc toujours moins de solidarité et de régulation politique. Pourtant, on ne trouve rien de tel dans les vraies conclusions de plusieurs siècles de recherche économique. »
Jacques Généreux (çà ne s’invente pas !), Professeur à Sciences Po, auteur d’une vingtaine d’ouvrages d’économie, a reçu pour cet ouvrage “le premier « Prix Lycéen du livre d’économie », ce qui illustre sa facilité d’accès – j’ai tout compris en le lisant 😉 – et aussi le « Prix du meilleur livre 2002 » de l’association des professeurs et maitres de conférences de Sciences Po, ce qui illustre sa qualité et sa pertinence.
On nous aurait donc menti ?! Les ‘lois de l’économie’ ne seraient pas celles ‘du marché’, du libre-échange, de la maximisation du profit pour des actionnaires libérés des contraintes nationalistes … ?!
Tout ceci ne serait que des croyances partiales, le ‘credo’ des tenants du néo-libéralisme !
Dans la lignée de « Freakonomics » du regretté Stephen D. Levitt et de la « Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles » de Bernard Maris, Ed° Le Seuil, coll. Points Economie, 2003, ces ouvrages qui réconcilient l’économie avec le bons sens, Jacques Généreux nous livre une revue des conclusions des plus grands économistes pour réfuter les thèses des néo-libéraux : non, le marché libre ne mène pas spontanément à un équilibre idéal, mais à des déséquilibres généraux, des crises et au gaspillage des ressources ; non, les acteurs économiques ne décident pas de façon rationnelle et à partir d’informations parfaites …
Ceci mène l’auteur à proposer 20 ‘vraies’ lois de l’économie, nettement positives et constructives (j’allais écrire ‘généreuses’ ;-), par exemple :
- n° 1 : les lois de l’économie sont les lois des hommes (et non pas celles de la nature)
- n° 2 : ce qui a de la valeur n’a pas de prix (mais contribue à satisfaire des besoins)
- n° 6 : la véritable efficacité c’est la justice, la véritable justice c’est l’égalité des libertés
- n° 7 : la mauvaise concurrence chasse la bonne (toute concurrence n’est pas bonne)
- n° 8 : l’impôt n’est pas un prélèvement obligatoire (mais la participation individuelle aux moyens collectifs)
- n° 13 : il n’est de richesse que d’hommes (citation reprise de Jean Bodin au 16e siècle)
- n° 18 : la loi du gâteau : plus on le partage, plus il y en a ?
- n° 19 : le salaire n’est pas l’ennemi de l’emploi
- …
Cette vision de l’économie remet l’église au milieu du village : l’entreprise est au service des hommes, elle est un moyen collectif plus efficace que l’individu pour rendre des services à ensemble de ses parties prenantes, l’Etat définit des règlementations et impôts qui assurent sa contribution à l’intérêt général.
Cette vision de l’économie est tout à fait en ligne avec les conclusions de l’application de l’approche ‘système’ (l’entreprise est interdépendante et au service de ses parties prenantes) et ‘valeur’ (l’entreprise est le lieu d’échanges entre acteurs qui en retirent plus d’utilités que ce qu’ils y mettent comme ressources).
Nos méthodes valeur(s) pourront sans doute aider à rendre actionnables ces lois économiques, qui leur donneront un nouveau fondement ‘théorique’ complémentaire de l’approche ‘système’.
Ayant rédigé un résumé de cet impressionnant ouvrage de référence (déguisé en tête de gondole de libraire de gare), je le tiens à disposition des intéressés. Mais ayez-le plutôt dans votre bibliothèque !
Jacques Généreux a d’ailleurs publié dans la revue Esprit en juillet 2001 un « Manifeste pour une économie humaine », dont l’esprit rejoint fortement le ‘Manifeste pour plus de valeur(s) dans la décision publique et l’entreprise’ que nous avons lancé il y a quelques semaines, et signé à ce jour par plus de 700 responsables d’entreprises et administrations. (attention à ne pas confondre avec le ‘Manifeste pour une économie plus humaine’ de Mohamed Yunnus, plus axé sur le ‘social business’ : aucune contradiction, mais d’une portée bien différente !)