Philippe Silberzahn, professeur à EM Lyon, publie -après un précédent point de vue que je ne partageais pas- un nouvel article sur la « raison d’être » des entreprises : « Raison d’être des entreprises: Spinoza reviens, la France a peur !« . Et je partage (presque 😉 son point de vue !
Je ne suis pas sûr de comment prendre son message :
Est-il négatif : Les entrepreneurs se dotent d’une ‘raison d’être’ par peur des autres ? A cause de la religion ? (pas d’accord)
Est-il positif : Dotez-vous d’une raison d’être qui vous rendent joyeux ? (d’accord)
L’amour étant « une joie liée à l’idée d’une cause extérieure (l’être aimé) » comme l’auteur cite Spinoza : donc , aimons-nous les uns les autres ?
Ne serait-ce le message de ce Jésus dont les Chrétiens viennent de fêter la Résurrection dans la joie ? 😉 Du coup, j’ai plutôt envie de prendre ce message joyeusement !!!
Avec joie : lisons les philosophes ! Spinoza bien sûr, et -puisque l’auteur cite aussi Socrate- les autres : que lis-je ? (merci à Cécile Renouard de l’ESSEC pour sa formation à l’éthique en entreprise)
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. » Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1792
« Appelons démarche éthique la visée de la vie bonne avec et
pour autrui dans des institutions justes » Paul Ricoeur, Soi même comme un autre, 1990
« le plus grand bonheur pour le plus grand nombre » Jeremy Bentham (1748-1832)
« La morale utilitariste reconnaît dans les êtres humains la faculté de sacrifier leur plus grand bien pour le bien des autres » John Stuart Mill L’Utilitarisme, 1860
« Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre » Hans Jonas « le Principe Responsabilité » 1979
Opposition entre l’éthique de conviction « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu » – et … l’éthique de responsabilité qui dit: « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. » Max Weber, Le Savant et le Politique 1919
« N’ayez pas peur ! » pape Jean-Paul II pour son inauguration en 1978
Evidemment, on peut aussi lire Nietszche pour qui « Dieu est mort »… Il me semble qu’il bouge encore pas mal ?
Et je m’interroge (Socratiquement ?) :
A quoi sert d’opposer soi et les autres ?
Comment être ou devenir moi sans les autres ?
Comment savoir qui je suis sans le regard (l’amour ?) des autres ?
« C’est l’affirmation de notre singularité, et non sa négation pour nourrir l’illusion des autres, qui nous permet de nous connecter de façon joyeuse, et donc durable, au monde, car alors nous sommes dans le vrai. » insiste Philippe Silberzahn. Le but serait donc de se connecter aux autres de façon joyeuse et durable ?!
Toute entreprise -comme toute personne- EST connectée à ses parties prenantes, sans lesquelles elle n’est rien. Prendre conscience de cette interdépendance me paraît salutaire au XXIe siècle. Choisir de ‘rendre service’ à ses clients, employés, actionnaires, fournisseurs, administrations, société, territoire, voire à son environnement naturel, est indispensable à sa survie, au moins à long terme. En inscrire certains comme une ‘raison d’être’ devrait en effet être joyeux ?!
Que certaines entreprises le fassent sous la contrainte est fort dommage. C’est peut-être -comme dans tous les processus de deuil- un passage vers la joie d’après ?
Je partage ce point de vue : qui sommes-nous pour prétendre à la vérité ?