Votre client est roi ? Traitez-le en Petit Prince !

« Le client est roi ! »

Toute entreprise doit être tournée vers la satisfaction de ses clients, bien sûr ! Et répondre à leur demande semble une obligation : si un client demande une solution à un vendeur, celui-ci doit la proposer sinon le client ira voir ailleurs ?! Bien des méthodes d’amélioration de la performance recommandent d’ailleurs de s’aligner sur la « voix du client » pour concevoir le produit ou le service à leur rendre, et le défaut majeur de beaucoup d’offres est de ne pas répondre à leurs attentes.

Mais paradoxe : les clients veulent en général le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière, voire plus si affinités. Alors, faut-il répondre à leur demande ?

« Le roi est nu ! »

Les clients demandent la plupart du temps la même chose que d’habitude (difficile de changer ! au moins, ça on connaît) mais sans les défauts, avec de nouvelles performances (p. ex. environnementales…), et bien sûr moins cher ! Henry Ford le disait déjà au 19e siècle : « Si on avait demandé aux gens, ils n’auraient jamais demandé une automobile mais auraient voulu des chevaux qui courent plus vite » (NDA : et tirent plus de charge, mangent moins de foin, font moins de crottin …).

Les consultants chevronnés le savent : un manager fait appel un expert des solutions à son problème. Il faut donc répondre à sa commande. Mais le premier facteur de succès du consultant est de vérifier que le problème était bien posé, ce qui s’avère assez rare !

Combien de fournisseurs voient des clients déçus de leur offre, toujours trop chère et pleine de défauts ! Et en même temps, quelle difficulté pour les fournisseurs de faire accepter aux clients des solutions innovantes, toujours pleines de risques … Le conte pour enfants est d’ailleurs bien connu, du fournisseur de tissu « qui reste invisible seulement aux imbéciles », dans lequel un roi se fait soit disant tailler un habit magnifique, devant lequel seul un enfant osera s’écrier « le roi est nu ! ».

Mais cela n’existe que dans les contes, bien entendu 😉

Et le Petit Prince ?

Vous connaissez sans doute cet autre conte écrit par Antoine de Saint Exupéry : un aviateur en panne au milieu du désert répare son avion, lorsqu’un Petit Prince apparaît et lui demande « S’il te plaît, dessine-moi un mouton ». Un ‘client’ comme on en voit souvent ?

L’aviateur est embêté : il ne sait pas dessiner de mouton … juste des ‘boas, ouverts ou fermés’. Alors, il engage le dialogue et demande au Petit Prince à quoi va lui servir le mouton ? Et apprend que c’est pour manger les pousses de baobab qui menacent de détruire sa petite planète, et qu’il doit donc déterrer chaque jour. Mais, ajoute le Petit Prince, il a aussi une rose, si belle et si fragile, qui certes a bien quelques épines pour se protéger, mais risquerait d’être mangée par le mouton ? L’aviateur continue d’explorer la problématique : comment faire pour emporter le mouton sur la planète ?… Il dessine alors une boîte -ça, il sait faire- et montre le dessin au Petit Prince : celui-ci n’a jamais vu un aussi joli mouton (celui qu’il imagine à l’intérieur de la boîte) !

Comment l’aviateur-fournisseur a t’il pu satisfaire son Petit Prince-client sans fournir la solution demandée ? Il a répondu à son besoin ! Avec une autre solution, tout à fait différente et bien plus simple pour lui à réaliser, qui en plus couvre d’autres besoins non exprimés à l’origine, auxquels la solution demandée ne répondait pas …

Notez au passage que Saint Exupéry fait figurer dans « Le Petit Prince » un roi, qui règne sur l’astéroïde B325, exerce son pouvoir sur le soleil en lui ordonnant de se coucher à l’heure du coucher, et pour ne pas perdre la face donne des ordres « raisonnables ».

Mais cela n’existe que dans les contes, bien entendu 😉

Et si vous traitez votre client non pas comme un « roi » mais comme un « Petit Prince » ?

La solution à ce paradoxe apparent – le client est roi, mais le roi est nu !- est pour le vendeur d’aider le client à prendre conscience de ses besoins, souvent implicites et toujours différents de la demande. Puis de donner au client envie d’acquérir la meilleure pour lui de ses solutions.

Comme l’a fait Apple ?

Steve Jobs a fondé la réussite d’Apple sur des produits lancés sans aucune étude de marché, sans panels consommateurs : il savait intuitivement mieux que ses clients ce qu’ils désiraient ! Contrairement à ce que l’on entend parfois, Apple et d’autres entreprises ne savent ‘créer des besoins’, qui préexistent forcément, mais ils ont su détecter ces besoins, inventer une solution qui y réponde et –surtout- donner envie de l’acquérir.

Bien avant que l’iPod n’existe, les gens avaient besoin de distraction, et auraient rêvé d’écouter leur musique préférée où qu’ils soient ! Matsushita Sony avait déjà imaginé un appareil pour écouter sa musique préférée en jouant au golf. Steve Jobs a amélioré une version numérique du walkman (alors déjà proposé par Archos, une entreprise française !) grâce à une recherche esthétique inspirée de son attrait pour le zen et un leadership stupéfiant. Mais le succès n’est venu véritablement pour l’iPod que lors du lancement d’iTunes, service complémentaire au ‘device’ qui élargit l’accès à « toute la musique du monde ».

Le génie d’Apple n’a pas été de ‘créer un besoin’, mais de prendre conscience d’un besoin mal servi, de comprendre toutes ses composantes (la musique où je veux, la simplicité d’utilisation, l’esthétique, l’accès à toutes les musiques …), de mobiliser les technologies -hard et soft- y répondant le mieux et de proposer une solution avant même que les gens ne prennent conscience de leurs besoins.

Comment reproduire ce succès si l’on n’est pas génial (vous l’êtes peut-être, mais pas moi) ?

L’approche Valeur(s)

L’approche Valeur(s), validée par des dizaines d’années d’expériences pour l’innovation produits/services, l’optimisation des coûts d’achats, etc. propose de systématiser le questionnement de l’aviateur au Petit Prince, en 3 points-clés :

  • « à quoi ça sert ? » pour définir les (vrais) besoins
  • « que suffit-il ? ». pour rechercher ensuite les solutions les plus simples
  • avec les parties prenantes, qui connaissent les réponses et/ou sont impliquées

Un exemple industriel réel :

Illustrons par un exemple simple, parmi les dizaines disponibles : un client industriel nous demandait d’optimiser ses achats d’équipement industriels, parmi lesquels des « unités de levage » ou ponts roulants, utilisées dans ses ateliers. Avant de mettre en œuvre les leviers classiques d’achats visant le sourcing de nouveaux fournisseurs (à qui acheter ?), leur mise en concurrence et les négociations (à quel prix ?), nous challengeons la demande : acheter quoi ?

L’approche Valeur(s) nous propose donc de poser la question a priori saugrenue « à quoi sert une unité de levage ? ». Réponse évidente (?) des responsables du process : à lever des charges … Mais une charge en l’air n’est pas le résultat souhaité ?! L’unité de levage va bien sûr aussi reposer la charge … après l’avoir déplacée horizontalement. Où nous mène cette apparente lapalissade ?

La charge est au sol avant utilisation, et à la fin aussi ? L’utilité réelle de l’unité de levage est donc de « déplacer des charges au sol d’un côté de l’atelier à l’autre ». « Lever » ne fait pas réellement partie du besoin !

La 2e question est « que suffit-il ? ». Pour déplacer des charges au sol d’un côté de l’atelier à l’autre, lever n’est pas indispensable, on pourrait utiliser simplement … un chariot, plusieurs fois moins coûteux qu’une unité de levage ?

L’analyse du coût de l’unité de levage avec son fournisseur actuel y fait d’ailleurs apparaître un chariot et des rails, mais ceux-ci ne représentent qu’une minorité du coût, les composants les plus coûteux étant ceux qui servent à lever et descendre (le levage – d’où le nom de l’engin !).

Alors « à quoi ça sert de lever ? ». Au soulagement général, les responsables des ateliers concernés trouvent une réponse : on doit lever pour passer au-dessus d’obstacles, qui gêneraient un chariot !

L’étude des ateliers à équiper d’unités de levage fait alors apparaître que certains des ateliers visés ne présentent aucun obstacle pour le transport au sol. Il est alors décidé de les équiper de chariots, et de ne conserver les unités de levage que pour les ateliers où leur utilité réelle est avérée.

Cet exemple réel (sic !), s’il fait vraiment douter de la clairvoyance des ingénieurs de cette entreprise, est très représentatif de la plupart des projets où le raisonnement Valeur(s) est utilisé : la question « à quoi ça sert ? » semble trop simple pour que des spécialistes osent la poser, la réponse de l’utilité réelle n’est pas si évidente, et la recherche de solution simple « que suffit-il ? » est difficile pour des experts impliqués depuis des années dans les solutions habituelles de plus en plus sophistiquées !

Le plus difficile est de faire dialoguer les différentes parties prenantes -qui parle des jargons différents- autour de questions qui semblent relever du simple bon sens.

Comme l’écrivait Descartes en introduction du Discours de la Méthode « Le bon sens est la chose la mieux partagée, car chacun pense en être si bien pourvu, que même ceux qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. … Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est l’appliquer bien. »

Depuis des dizaines d’années, des spécialistes du raisonnement Valeur(s) l’utilisent pour la re-conception de produits, services, process, organisations, systèmes d’informations, business models … avec des améliorations souvent radicales de performances en même temps que des réductions de coûts radicales.

Pour la petite histoire, l’entreprise citée ci-dessous et volontairement gardée anonyme est un fleuron de l’industrie de pointe française. Et lors de la mission, un des responsables de la maintenance d’un des ateliers concernés s’est exclamé en réunion « Mais un chariot, on en a un dans cet atelier ! … Au cas où l’unité de levage tombe en panne ! » 😉

Comme l’écrivait Saint Exupéry, cette fois dans ‘Terre des Hommes’ « Il semble que la perfection soit atteinte non pas quand il n’y a plus rien à ajouter, mais plus rien à retrancher ».

La création de Valeur(s)

Le raisonnement Valeur(s) peut être mis en œuvre à partir des 3 principes énoncés ci-dessus, et appuyé sur des outils qui facilitent la réponse collective avec les parties prenantes. De très nombreuses méthodes existent déjà qui mettent en œuvre ces concepts, à tous les niveaux de performance de l’entreprise : voir http://valeursetmanagement.com 

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